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Roland de Roncevaux - De l'Histoire à la Légende
CLIQUER ICI POUR ECOUTER LE LIVRE AUDIO DE LA CHANSON DE ROLAND CLIQUER ICI POUR LIRE LA VERSION TEXTE DE LA CHANSON DE ROLAND Questions SUR l'extrait lu:"la mort de Roland" 1. À quel moment de l’épopée commence notre récit ? Après la défaite des Sarrasins quand Roland, blessé mortellement, a sonné du cor. 2. Que fait Roland quand il est resté seul sur le champ de bataille? Il essaie de détruire son épée, pour qu’elle ne tombe pas aux mains des païens. 3. Démontrez l’inspiration chrétienne. Roland prie Dieu. L’importance attachée aux reliques. Les saints qui sont mentionnés. L’épée qui doit être maniée par des chrétiens. Le repentir de Roland. Les références à l’histoire sainte. Les anges qui viennent chercher Roland. 4. Quels éléments démontrent le "patriotisme" de Roland ? Il se souvient de "douce France" et de son roi (fidélité personnelle du vassal envers son suzerain). Il veut être fidèle jusqu’au dernier moment et même après la mort en tournant la tête vers l’ennemi. 5. Quel est le caractère de Roland? Courageux. Un vrai chrétien. Défenseur de son roi et de sa patrie. Homme d’honneur: il veut que les autres sachent qu’il est vainqueur. Les sentiments Ce passage est plein de grandeur: au moment de mourir, Roland nous révèle son âme. Nous apprenons à connaître à la fois Roland et le héros épique tel que les meilleurs trouvères l’ont conçu. a) Il se fait une haute idée de l’honneur chevaleresque: il veut mourir en vainqueur; il ne veut pas laisser son épée à un païen. b) Il est attaché à la gloire militaire: il se souvient de ses victoires, de ses conquêtes, il aime son épée, l’instrument de la gloire, d’un amour profond. c) Il est chrétien: la pensée de Dieu et de ses fautes domine toutes les autres; il tend son gant à Dieu comme un vassal à son suzerain, et il met dans ce geste toute sa soumission. d) Il est patriote: il pense à la France douce, il ne veut pas qu’elle soit déshonorée; il pense à l’empereur qui représente sa patrie. e) Il est doux et tendre dans sa grandeur farouche: il ne peut s’empêcher de pleurer et de gémir en songeant à sa famille et à ses compagnons qu’il ne reverra plus. L’Art a) La composition de ce passage a un caractère nettement musical. La poésie épique était chantée: voilà pourquoi les couplets reprennent comme un motif un vers du couplet précédent. Cependant en reprenant une idée, ils y ajoutent une nuance. b) L’expression dans ce passage est claire mais pauvre. Les mots employés pour décrire expriment des idées précises. Mais les descriptions sont à peine ébauchées. c) La syntaxe est rudimentaire: toute subordination est supprimée: chaque proposition forme une phrase isolée. Ce style si coupé a quelque monotonie et donne l’impression d’un art enfantin. Source: Calvet. MOYEN ÂGE - Troubadours, Trouvères et Poètes La littérature ayant trait aux sentiments amoureux est de tous temps. Entre 1132 et 1141, la correspondance (en latin) échangée entre Héloïse et Abélard en est un touchant exemple. Mais au Moyen Age, les "troubadours" (trobadors, trobairitz au féminin) en pays de langue d'oc, puis les"trouvères" dans les pays de langue d'oïl, chantent ou disent des poèmes d'amour (mais pas seulement) en s'accompagnant d'instruments de musique. On les retrouve, sous d'autres noms (Minnesänger, mesteres de juglaría...) dans les autres pays de l'ouest de l'Europe médiévale, du Portugal à l'Allemagne et de l'Irlande à la Sicile.
Vers la fin du XIIIe siècle, le Florentin Brunet Latin (Brunetto Latini), dans son encyclopédie en langue d'oïl Li livres dou trésor (v.1270, 736 p.), donne une définition du "poète" proche de son acceptation moderne, traduisant le nouvel art de la poésie qui se développera aux XIVe et XVe siècles. Dans le troisième quart du XXe siècle, les troubadours, trouvères et autres poètes du Moyen Age ont inspiré de nombreux chanteurs et musiciens (en particulier occitans). En raison du nombre d'auteurs et d'œuvres mis en ligne, cette rubrique a été subdivisée en plusieurs pages qui se suivent : "TROUBADOURS" - "TROUVÈRES" - "POÈTES 14/15e s." --------------- POÈTES de la fin du XIIIe à la fin du XVe siècle A la fin du Moyen Âge, la poésie est devenue le genre littéraire le plus prestigieux, et recouvre alors tout ce qui s'écrit en vers. D'Othon de Grandson à Alain Chartier (le Quadrilogue invectif, la Belle dame sans merci, Rondeaux et ballades, le Lay de la paix) en passant par les auteurs ci-dessous, on trouve toujours dans cette poésie nouvelle l'esprit courtois des troubadours et trouvères, mais d'autres sources d'inspiration prennent une importance grandissante. • RUTEBEUF Né vraisemblablement en Champagne avant 1230, Rutebeuf meurt à Paris vers 1280. D'une solide culture, il mène cependant la vie aventureuse et précaire des artistes itinérants. Il aborde de nombreux genres littéraires : théâtre, roman allégorique, fabliau, poème hagiographique, complainte, satire, chanson. Il prend parti dans les controverses du temps. D'une piété profonde, il est un chrétien militant, mettant son talent poétique au service de sa foi. Il exprime le grand thème de la poésie, celui de la condition humaine : la fuite du temps (cf. Que sont mes amis devenus, par Joan Baez, 3' 37"), les colères et les regrets, mais aussi l'espoir qui demeure grâce à la foi. Chantant ses sentiments intimes, les aspects de son âme et de sa vie, il est un poète au sens moderne du terme, marquant une rupture dans la poésie du Moyen Âge. ......- Œuvres complètes : tome 1 (250 p.), tome 2 (392 p.), tome 3 (432 p.) |
La mort de Roland -Notes d'analyse. Le décor de la mort de Roland est essentiel : seulement un pin et l'herbe verte ; la figure de Roland domine la scène. Quand Roland décrit ses sentiments on a le même début de vers "ço sent Rollant" . Pour décrire les attitudes physiques on utilise plusieurs fois le même décor: "Desuz un pin" et il regarde vers l'ennemi ""turnat sa teste vers la paiene gent, debers Espaigne, Envers Espaigne" En bon chrétien il confesse ses fautes "cleimet sa culpe, meie culpre, cleimet sa culpe" et on a la répétition du mot "pecchez" Sa condition de vassalité est soulignée par la répétition du geste du gant "puroffrid lo guant, sun destre guant en ad vers Deu tendut, sun destre guant a Deu en puroffrit" ; il proclame ainsi sa soumission à Dieu , son Seigneur céleste, en faisant le geste du chevalier qui se soumet à son suzerain. On a donc, selon le style du Moyen Age, la fusion totale entre les valeurs chevaleresques (le geste de Roland) et les valeurs religieuses (l'ascension de Roland au paradis). À la fin de la première laisse Roland tend son gant pour qu'un ange vienne le prendre ; à la fin de la deuxième laisse les anges viennent , à la fin de la troisième les anges emportent Roland . Roland sent que la mort va arriver, mais il ne se fait pas soumettre, il va à sa rencontre. Il y a, dans les six premiers vers, cinq verbes d'action: aller, courir, se coucher, mettre, tourner. Roland agit et ce sont des actions inattendues pour le moment de l'agonie et donnent une idée d'énergie ; loin d'être agonisant, Roland semble plutôt soigner la « mise en scène » de sa propre mort, car il veut mourir en vainqueur. Même lorsqu'il va mourir, il agit encore: il "teneit le chef enclin , est alet a sa fin " et Saint Gabriel prend le gant de sa main, donc le gant n'est pas tombé par terre. Jusqu'au dernier moment , en homme d'action, le paladin ne succombe pas à la mort, mais il semble la défier en un dernier combat. Ce grand nombre de répétitions servait soit au jongleur, soit à l'auditoire.
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Qu’est-ce qu’un sonnet?
Parce qu’il fut employé à plusieurs époques et dans différents pays, le sonnet constitue sans aucun doute l’une des formes poétiques les plus connues et les plus appréciées. Bref et souvent structuré en fonction de rimes qui aident à le mémoriser, le sonnet est aussi une forme de poème agréable à réciter.
Un peu d’histoireAu Moyen Âge, le mot sonnet était employé en ancien provençal pour désigner des chansons ou des poèmes destinés à être chantés. Pétrarque, en employant le sonetto pour célébrer Laure dans le Canzoniere, popularisa et fixa par la suite, au xive siècle, ce qui allait devenir la forme privilégiée des poètes de la Renaissance. En effet, Joachim Du Bellay, Pierre de Ronsard, Louise Labé etÉtienne Jodelle, poètes du xvie siècle dont on retrouve les noms dans l’anthologie Les voix de la poésie, ont tous écrit des sonnets pour chanter la gloire de l’être aimé. En Angleterre, Shakespeare a aussi utilisé cette forme demeurée populaire durant l’époque baroque.
Contrairement à la ballade ou au rondeau – des formes également issues du Moyen Âge – le sonnet se caractérise par sa longévité : après une brève éclipse au xviiie siècle, il est revenu en force chez les poètes romantiques, parnassiens et symbolistes du xixe siècle, comme peuvent en témoigner les exemples de Nerval, Heredia etRimbaud dans l’anthologie. Malgré les grands bouleversements de la modernité, le sonnet perdure au xxe siècle en réapparaissant notamment chez les poètes québécois associés au symbolisme (Albert Lozeau) et à la littérature régionaliste (Nérée Beauchemin). Plus récemment, dans les années 1990 et 2000, le poète français Robert Marteau a écrit des recueils de sonnets à la fois modernes et fidèles à la tradition.
Reconnaître un sonnet« Un sonnet sans défauts », a écrit Nicolas Boileau à l’époque classique, « vaut seul un long poème » (Art poétique). En effet, le sonnet se démarque avant tout par sa brièveté et s’oppose ainsi aux longs poèmes épiques. Le propos de ce type de poème est ainsi condensé ; chaque vers est porteur de sens.
Les règles du sonnet de langue française ont été fixées en grande partie durant la Renaissance. C’est donc à partir d’un sonnet du XVIe siècle, écrit par Joachim Du Bellay, que nous vous proposons d’expliquer brièvement les règles générales de cette forme. Ce poème s’intitule « L’olive », nom qui est l’anagramme de Madame de Viole, une femme célébrée dans plusieurs sonnets de Du Bellay. Vous le trouverez dans l’anthologie Les voix de la poésie.
1 Si notre vie est moins qu’une journée
2 En l’éternel, si l’an qui fait le tour
3 Chasse nos jours sans espoir de retour,
4 Si périssable est toute chose née,
5 Que songes-tu, mon âme emprisonnée ?
6 Pourquoi te plaît l’obscur de notre jour,
7 Si pour voler en un plus clair séjour,
8 Tu as au dos l’aile bien empennée ?
9 Là, est le bien que tout esprit désire,
10 Là, le repos où tout le monde aspire,
11 Là, est l’amour, là, le plaisir encore.
12 Là, ô mon âme, au plus haut ciel guidée,
13 Tu pourras reconnaître l’Idée
14 De la beauté, qu’en ce monde j’adore.
D’un point de vue formel, ce poème typique de la Renaissance par les thèmes qu’il aborde (le temps qui passe, l’amour platonique) est un sonnet pour les raisons suivantes :
Remarquons par ailleurs que les sonnets, surtout ceux de la Renaissance, sont souvent divisés en deux parties. Les deux quatrains forment alors un bloc de sens qui s’oppose de différentes manières aux deux tercets. Dans le poème de Du Bellay, on remarque que les deux premières strophes sont beaucoup moins affirmatives que les deux dernières. Le poète pose des questions dans les premiers vers; il évoque ensuite des certitudes.
La forme d’un sonnet est aussi reliée au sens du poème. Son sujet est souvent précis et facile à circonscrire (dans le cas de Du Bellay, le poème porte essentiellement sur l’amour) et son vers final, appelé parfois le « vers de chute », résume généralement le propos général. Dans « L’olive », le quatorzième vers souligne que la femme célébrée est « adorée », ce qui éclaire l’aspect spirituel du poème puisque l’amante est ici élevée au rang de déesse. « Le dernier vers du Sonnet », dira au xixe siècle Théodore de Banville dans son Petit traité du sonnet, « doit contenir un trait – exquis, ou surprenant, ou excitant l’admiration par sa justesse et par sa force ».
Dans un sonnet comme « Le dormeur du val » d’Arthur Rimbaud(XIXe siècle) —que vous trouverez dans l’anthologie Les voix de la poésie — le vers final constitue une véritable clé pour comprendre l’ensemble du poème. Après avoir évoqué l’atmosphère paisible et bucolique d’un coin de campagne où dort un « jeune soldat », Rimbaud écrit dans le dernier tercet :
[…]
Les parfums ne font pas frissonner sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Le vers final nous apprend ainsi que le soldat est décédé, et que son sommeil paisible est en fait un euphémisme désignant la mort. L’exemple du « dormeur du val » est intéressant, par ailleurs, parce qu’il montre que le sonnet peut parfois se présenter sous la forme d’un petit récit. Dans un tel cas, le principe selon lequel un sonnet doit opposer deux groupes de strophes n’est pas toujours respecté.
La « musique » du sonnetEn règle générale, cependant, cette forme poétique est reliée au thème de l’amour et comporte une forte teneur lyrique. À cet égard, le sonnet « El Desdichado » de Gérard de Nerval — également inclus dans l’anthologie Les voix de la poésie — est sans aucun doute l’un des plus beaux poèmes lyriques écrits en langue française :
Je suis le Ténébreux – le Veuf, – l’Inconsolé,
Le Prince d’Aquitaine à la tour abolie :
Ma seule Étoile est morte, – et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
[…]
Cette première strophe nous rappelle que le sonnet était à l’origine un poème musical. La musique, d’un point de vue métaphorique, se fait entendre grâce aux rimes alternées, mais aussi grâce aux assonances (remarquons la répétition des voyelles i et a au deuxième vers). Le troisième vers, par ailleurs, nous plonge dans l’univers de la musique grâce au « luth constellé », instrument qui rappelle la lyre d’Orphée.
Il s’agit d’un poème lyrique, enfin, puisqu’il évoque une quête amoureuse : « L’Étoile » du troisième vers, nous le comprenons davantage en lisant la suite du poème, est un symbole de cette quête. S’il fallait approfondir cet aspect, nous pourrions dire que ce poème romantique – et à certains égards symboliste – s’inscrit notamment dans la tradition des sonnets de la Renaissance.
Parce qu’il fut employé à plusieurs époques et dans différents pays, le sonnet constitue sans aucun doute l’une des formes poétiques les plus connues et les plus appréciées. Bref et souvent structuré en fonction de rimes qui aident à le mémoriser, le sonnet est aussi une forme de poème agréable à réciter.
Un peu d’histoireAu Moyen Âge, le mot sonnet était employé en ancien provençal pour désigner des chansons ou des poèmes destinés à être chantés. Pétrarque, en employant le sonetto pour célébrer Laure dans le Canzoniere, popularisa et fixa par la suite, au xive siècle, ce qui allait devenir la forme privilégiée des poètes de la Renaissance. En effet, Joachim Du Bellay, Pierre de Ronsard, Louise Labé etÉtienne Jodelle, poètes du xvie siècle dont on retrouve les noms dans l’anthologie Les voix de la poésie, ont tous écrit des sonnets pour chanter la gloire de l’être aimé. En Angleterre, Shakespeare a aussi utilisé cette forme demeurée populaire durant l’époque baroque.
Contrairement à la ballade ou au rondeau – des formes également issues du Moyen Âge – le sonnet se caractérise par sa longévité : après une brève éclipse au xviiie siècle, il est revenu en force chez les poètes romantiques, parnassiens et symbolistes du xixe siècle, comme peuvent en témoigner les exemples de Nerval, Heredia etRimbaud dans l’anthologie. Malgré les grands bouleversements de la modernité, le sonnet perdure au xxe siècle en réapparaissant notamment chez les poètes québécois associés au symbolisme (Albert Lozeau) et à la littérature régionaliste (Nérée Beauchemin). Plus récemment, dans les années 1990 et 2000, le poète français Robert Marteau a écrit des recueils de sonnets à la fois modernes et fidèles à la tradition.
Reconnaître un sonnet« Un sonnet sans défauts », a écrit Nicolas Boileau à l’époque classique, « vaut seul un long poème » (Art poétique). En effet, le sonnet se démarque avant tout par sa brièveté et s’oppose ainsi aux longs poèmes épiques. Le propos de ce type de poème est ainsi condensé ; chaque vers est porteur de sens.
Les règles du sonnet de langue française ont été fixées en grande partie durant la Renaissance. C’est donc à partir d’un sonnet du XVIe siècle, écrit par Joachim Du Bellay, que nous vous proposons d’expliquer brièvement les règles générales de cette forme. Ce poème s’intitule « L’olive », nom qui est l’anagramme de Madame de Viole, une femme célébrée dans plusieurs sonnets de Du Bellay. Vous le trouverez dans l’anthologie Les voix de la poésie.
1 Si notre vie est moins qu’une journée
2 En l’éternel, si l’an qui fait le tour
3 Chasse nos jours sans espoir de retour,
4 Si périssable est toute chose née,
5 Que songes-tu, mon âme emprisonnée ?
6 Pourquoi te plaît l’obscur de notre jour,
7 Si pour voler en un plus clair séjour,
8 Tu as au dos l’aile bien empennée ?
9 Là, est le bien que tout esprit désire,
10 Là, le repos où tout le monde aspire,
11 Là, est l’amour, là, le plaisir encore.
12 Là, ô mon âme, au plus haut ciel guidée,
13 Tu pourras reconnaître l’Idée
14 De la beauté, qu’en ce monde j’adore.
D’un point de vue formel, ce poème typique de la Renaissance par les thèmes qu’il aborde (le temps qui passe, l’amour platonique) est un sonnet pour les raisons suivantes :
- Il comporte quatre strophes : deux quatrains (groupe de quatre vers) et deux tercets (groupe de trois vers).
- Il comporte des rimes embrassées dans les quatrains (abba, abba) ainsi que des rimes plates et embrassées dans les tercets (ccd, eed).
Remarquons par ailleurs que les sonnets, surtout ceux de la Renaissance, sont souvent divisés en deux parties. Les deux quatrains forment alors un bloc de sens qui s’oppose de différentes manières aux deux tercets. Dans le poème de Du Bellay, on remarque que les deux premières strophes sont beaucoup moins affirmatives que les deux dernières. Le poète pose des questions dans les premiers vers; il évoque ensuite des certitudes.
La forme d’un sonnet est aussi reliée au sens du poème. Son sujet est souvent précis et facile à circonscrire (dans le cas de Du Bellay, le poème porte essentiellement sur l’amour) et son vers final, appelé parfois le « vers de chute », résume généralement le propos général. Dans « L’olive », le quatorzième vers souligne que la femme célébrée est « adorée », ce qui éclaire l’aspect spirituel du poème puisque l’amante est ici élevée au rang de déesse. « Le dernier vers du Sonnet », dira au xixe siècle Théodore de Banville dans son Petit traité du sonnet, « doit contenir un trait – exquis, ou surprenant, ou excitant l’admiration par sa justesse et par sa force ».
Dans un sonnet comme « Le dormeur du val » d’Arthur Rimbaud(XIXe siècle) —que vous trouverez dans l’anthologie Les voix de la poésie — le vers final constitue une véritable clé pour comprendre l’ensemble du poème. Après avoir évoqué l’atmosphère paisible et bucolique d’un coin de campagne où dort un « jeune soldat », Rimbaud écrit dans le dernier tercet :
[…]
Les parfums ne font pas frissonner sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Le vers final nous apprend ainsi que le soldat est décédé, et que son sommeil paisible est en fait un euphémisme désignant la mort. L’exemple du « dormeur du val » est intéressant, par ailleurs, parce qu’il montre que le sonnet peut parfois se présenter sous la forme d’un petit récit. Dans un tel cas, le principe selon lequel un sonnet doit opposer deux groupes de strophes n’est pas toujours respecté.
La « musique » du sonnetEn règle générale, cependant, cette forme poétique est reliée au thème de l’amour et comporte une forte teneur lyrique. À cet égard, le sonnet « El Desdichado » de Gérard de Nerval — également inclus dans l’anthologie Les voix de la poésie — est sans aucun doute l’un des plus beaux poèmes lyriques écrits en langue française :
Je suis le Ténébreux – le Veuf, – l’Inconsolé,
Le Prince d’Aquitaine à la tour abolie :
Ma seule Étoile est morte, – et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
[…]
Cette première strophe nous rappelle que le sonnet était à l’origine un poème musical. La musique, d’un point de vue métaphorique, se fait entendre grâce aux rimes alternées, mais aussi grâce aux assonances (remarquons la répétition des voyelles i et a au deuxième vers). Le troisième vers, par ailleurs, nous plonge dans l’univers de la musique grâce au « luth constellé », instrument qui rappelle la lyre d’Orphée.
Il s’agit d’un poème lyrique, enfin, puisqu’il évoque une quête amoureuse : « L’Étoile » du troisième vers, nous le comprenons davantage en lisant la suite du poème, est un symbole de cette quête. S’il fallait approfondir cet aspect, nous pourrions dire que ce poème romantique – et à certains égards symboliste – s’inscrit notamment dans la tradition des sonnets de la Renaissance.
La Poésie Courtoise
LE ROMAN AU MOYEN AGE
les premiers romans
Ils tiennent leur nom de la langue dans laquelle ils sont écrits, en roman* (c'est-à-dire en ancien français, la langue du peuple) et se différencient des textes scientifiques, religieux ou juridiques qui, au Moyen Âge, sont rédigés en latin.
Les auteurs du Moyen Âge brodent et composent leurs récits en s'inspirant de trois fonds littéraires :
Très souvent, les poètes écrivent à la demande d'un puissant protecteur auquel ils dédicacent leur ouvrage. Ainsi, Chrétien de Troyes, l'un des plus grands poètes du Moyen Âge, dédie son roman Le Chevalier de la charrette à Marie de Champagne, tandis qu'Aliénor d'Aquitaine accueille à sa cour un autre grand poète, le troubadour Bernard de Ventadour.
Nombreux sont les textes écrits au Moyen Âge qui ont été perdus. En effet, les livres étaient alors rares et très précieux. L'imprimerie n'existait pas encore : chaque exemplaire était transcrit à la main par un copiste* et illustré d'enluminures* et de lettrines*.
Les textes que nous lisons aujourd'hui ont été traduits en français moderne.
L'aventure et la quête
l'errance et la quête sont les moteurs des récits de chevalerie : elles donnent au chevalier l'occasion de montrer sa valeur et son courage. C'est l'errance qui conduit le chevalier vers l'aventure (épreuve ou situation dangereuse qu'il affronte).
La quête peut consister à délivrer une personne, protéger un lieu et, plus tard, à retrouver le Saint Graal*.
Héros et héroïnes
La beauté physique des héros des romans bretons traduit en général leur grandeur d'âme et de caractère. Ces personnages incarnent des modèles que les chevaliers et leurs dames tenteront d'imiter.
Le saviez-vous ?
Matière signifie "sujet", "thème". On appelle "matière" un ensemble de récits ou de contes traduits, enrichis et réécrits. La "matière de Bretagne" est un ensemble de légendes celtes qui content la vie du roi Arthur. Ces légendes étaient très appréciées en Europe au XIIème et XIII ème siècles.
La Bretagne signifie ici la Grande Bretagne et la Petite Bretagne, c'est-à-dire L'Irlande, le Pays de Galles, la Cornouaille et l'Armorique (ou Bretagne
LE « ROMAN » : UNE LANGUE
Le Moyen Age va de la chute de l’Empire Romain d’Occident en 476 à la prise de Constantinople par les Turcs en 1453. Ce que nous appelons Roman est avant tout une langue populaire, issue du latin vulgaire, où seules les syllabes accentuées des mots ont été généralement préservées.
Le premier document roman conservé est «le serment de Strasbourg» (842). C’est pourquoi,«roman», au Moyen Age, désigne tout texte en prose ou en vers écrit dans cette langue et non en latin.
LE ROMAN : UN GENRE LITTÉRAIRE
LITTÉRATURE ARISTOCRATIQUE : LE «ROMAN COURTOIS».
les premiers romans
Ils tiennent leur nom de la langue dans laquelle ils sont écrits, en roman* (c'est-à-dire en ancien français, la langue du peuple) et se différencient des textes scientifiques, religieux ou juridiques qui, au Moyen Âge, sont rédigés en latin.
Les auteurs du Moyen Âge brodent et composent leurs récits en s'inspirant de trois fonds littéraires :
- la matière* de Rome qui rapporte les légendes latines
- la matière de France qui conte l'histoire du royaume (La chanson de Roland)
- la matière de Bretagne* ou légende du roi Arthur.
Très souvent, les poètes écrivent à la demande d'un puissant protecteur auquel ils dédicacent leur ouvrage. Ainsi, Chrétien de Troyes, l'un des plus grands poètes du Moyen Âge, dédie son roman Le Chevalier de la charrette à Marie de Champagne, tandis qu'Aliénor d'Aquitaine accueille à sa cour un autre grand poète, le troubadour Bernard de Ventadour.
Nombreux sont les textes écrits au Moyen Âge qui ont été perdus. En effet, les livres étaient alors rares et très précieux. L'imprimerie n'existait pas encore : chaque exemplaire était transcrit à la main par un copiste* et illustré d'enluminures* et de lettrines*.
Les textes que nous lisons aujourd'hui ont été traduits en français moderne.
L'aventure et la quête
l'errance et la quête sont les moteurs des récits de chevalerie : elles donnent au chevalier l'occasion de montrer sa valeur et son courage. C'est l'errance qui conduit le chevalier vers l'aventure (épreuve ou situation dangereuse qu'il affronte).
La quête peut consister à délivrer une personne, protéger un lieu et, plus tard, à retrouver le Saint Graal*.
Héros et héroïnes
La beauté physique des héros des romans bretons traduit en général leur grandeur d'âme et de caractère. Ces personnages incarnent des modèles que les chevaliers et leurs dames tenteront d'imiter.
Le saviez-vous ?
Matière signifie "sujet", "thème". On appelle "matière" un ensemble de récits ou de contes traduits, enrichis et réécrits. La "matière de Bretagne" est un ensemble de légendes celtes qui content la vie du roi Arthur. Ces légendes étaient très appréciées en Europe au XIIème et XIII ème siècles.
La Bretagne signifie ici la Grande Bretagne et la Petite Bretagne, c'est-à-dire L'Irlande, le Pays de Galles, la Cornouaille et l'Armorique (ou Bretagne
LE « ROMAN » : UNE LANGUE
Le Moyen Age va de la chute de l’Empire Romain d’Occident en 476 à la prise de Constantinople par les Turcs en 1453. Ce que nous appelons Roman est avant tout une langue populaire, issue du latin vulgaire, où seules les syllabes accentuées des mots ont été généralement préservées.
Le premier document roman conservé est «le serment de Strasbourg» (842). C’est pourquoi,«roman», au Moyen Age, désigne tout texte en prose ou en vers écrit dans cette langue et non en latin.
LE ROMAN : UN GENRE LITTÉRAIRE
LITTÉRATURE ARISTOCRATIQUE : LE «ROMAN COURTOIS».
- Origines : aux XIIe et XIIIe siècles, l’évolution des moeurs féodales - plus de raffinement, de loisirs - permet l’apparition de ce nouveau genre issu des romans antiques et des chansons de geste.
- Définition : ce sont plus souvent des oeuvres d’imitation que d’invention : on adapte les légendes connues à la civilisation présente : les plus célèbres sont les légendes celtiques (la cour du roi Arthur) et celle du «saint Graal». Contrairement au personnage de la chanson de geste, le héros ici n’accomplit pas d’exploits pour son pays ou son Dieu, mais pour la «dame de ses pensées». Ses moeurs sont plus élégantes, sa psychologie plus complexe et délicate. Cet art s’adresse à une élite («courtois» = «qui sied à un homme de cour») capable de lire, alors que les chansons de geste étaient généralement psalmodiées en public.
- Oeuvres et écrivains : - Chrétien de Troyes (fin XIIe siècle.) décrit les conflits de l’amour et de l’aventure. Le chevalier au lion : Ivain, chevalier d’Arthur, s’éprend de la veuve d’un chevalier qu’il a tué ; il épousera sa dame après de nombreux exploits. Lancelot : par amour pour Guenièvre, épouse du roi Arthur, il met sa vie et son honneur en danger.Perceval : légende du Graal.- Béroul /Thomas : Tristan et Iseut.- Marie de France : elle écrit des lais, nouvelles où se mêlent merveilleux et amour.- Guillaume de Lorris /Jean de Meung : Le Roman de la Rose, roman courtois et didactique, aux nombreuses allégories, véritable somme de la culture du XIIe siècle.
- Le Roman de Renard :série de contes, d’abord oraux, du folklore campagnard rédigés par plusieurs auteurs. Certains textes sont influencés par les fables de l’antiquité. La société humaine avec ses types habituels y est figurée par des animaux. Parfois, parodie des chansons de geste et des romans courtois.
- Le BESTIAIRE
- Les fabliaux : ce ne sont pas des romans à proprement parler, mais sous forme de récits brefs, sans but moral, en langage trivial, ils décrivent des scènes plaisantes, proches de celles du roman satirique. Ex. Le Vilain mire, dont Molière tirera Le Médecin malgré lui.
Le cycle de la Table ronde est une vaste ensemble de textes médiévaux qui s'articulent autour des romans d'Arthur, du Graal, de Merlin et de Lancelot. On parle aussi de cycle arthurien, de cycle breton, de cycle armoricainou encore de cycle du Graal. Le nom de Table ronde provient de ce que les chevaliers réunis autour d'Arthur s'assemblaient autour d'une table qui avait cette forme, pour signifier qu'il n'y avait pas de préséance entre eux. Le titre de cycle breton ou armoricain, « matière de Bretagne » disait-on au Moyen âge, rappelle l'origine de la légende née dans la Grande-Bretagne (plus exactement chez lesGallois) ou dans l'Armorique (on verra plus loin que la localisation précise de cette origine a donné lieu à deux opinions différentes). Enfin on dit cycle arthurien parce qu'Arthur est le centre autour duquel se déroulent les événements des divers récits, bien qu'il n'y joue en général par lui-même qu'un rôle peu important.Vers la fin du Ve siècle, Arthur, chef d'un clan des Bretons (Kymri ou Wala, d'où Waleis, Gallois) refoulés par la conquête saxonne dans le Sud-Ouest de la Grande-Bretagne (pays de Galles), s'était acquis une grande renommée dans la lutte contre les envahisseurs qu'il avait vaincus plusieurs fois, entre autres sur le mont Badon près de Bath, Il devint bientôt le héros principal de chants populaires épiques dont l'existence est attestée, bien qu'il n'en soit resté aucun monument authentique. Les principaux éléments de sa légende furent réunis au IXe siècle dans la chronique latine, Historia Britonum, attribuée à Nennius; au XIIe siècle, Gaufrei de Monmouthinséra dans son Historia Regum Britanniae quelques-uns des contes gallois sur Arthur et contribua ainsi à leur diffusion dans le monde des clercs. Par le temps, les premiers récits sur le glorieux adversaire des Saxons s'étaient d'ailleurs transformés en élargissant singulièrement le cadre de ses exploits. Vainqueur des Saxons, non seulement il les avait chassés de l'île, mais il avait soumis les Pictes et les Calédoniens, et conquis l'Irlande; puis abordant en Scandinavie, il avait subjugué le pays et avait finalement établi sa suprématie sur la Gaule elle-même. Il allait s'emparer de Rome quand il fut rappelé en Bretagne par la trahison de son neveu Modred qui, laissé là comme régent, avait fait courir le bruit de sa mort, s'était proclamé roi et avait épousé sa femme Guanhumara (Guenièvre). Grièvement blessé dans un combat livré contre les rebelles, Arthur avait été emmené sur une barque enchantée dans l'île d'Avalon, pays fortuné où les héros morts jouissent d'un bonheur constant en compagnie des fées et d'où plusieurs sont revenus vivants. Arthur devait lui aussi reparaître quelque jour et rendre aux Bretons l'empire qu'ils avaient perdu. Ces légendes se propagèrent en Armorique par les Bretons qui s'y étaient réfugiés pour conserver leur indépendance.
Ce n'est cependant pas par l'Historia Regum Britanniae, ni par la Prophetia Merlin, ni par la Vita Merlini du même Gaufrei qui, dans ces deux dernières oeuvres, associait Merlin à Arthur, que les contes relatifs à ce dernier pénétrèrent dans la société du Moyen âge, perdant d'ailleurs de plus en plus de leur caractère primitif au fur et à mesure qu'ils s'étendaient davantage. Gaufrei ne parle pas de la table ronde; la première mention nous en est donnée par Wace dans les vers suivants de son
Roman de Brut :
Por les nobles barons qu'il ot (eût)
Dont essence mieldre (meilleur) estre quidot (croyait)...
Fist Artus la roonde table
Dont Breton dient mainte fable
Hoc (là) seieent (s'asseyaient) li vassal (guerriers)
Tuit (tous) chevalment (en chevaliers) et tuit ingal (égaux)
(Brut, V. 9994-10001, édit. Leroux de Lincy).D'après le Lancelot en prose, Arthur avait reçu la Table ronde de Léodegan, roi du pays de Carmélide, comme dot de Guenièvre. Robert de Boron dit, de son côté, que Merlin l'avait établie pour Uter Pendragon à Carduel en Galles, où Arthur s'installa plus tard. Dans cette tradition plus primitive que celle du Lancelot, la Table a 50 sièges dont un vide réservé au chevalier qui conquerra le Graal; dans Lancelot elle a tantôt 150, tantôt 100 places.Avant Wace, en 1137, le troubadour Marcabrun dit de lui-même qu'il est « perdu comme Arthur » (Paul Meyer, Marcabrun, dans la Romania, VI, 123). Dès les premières années même du XIIe siècle on trouve en Italie dans des chartes des noms comme Artusius et Walwanus (Gauvain), qui attestent l'étonnante rapidité de la diffusion des contes arthuriens (Pio Rajna, Contributi a la Storia dell'epopea, dans la Romania, XVII, 355 et suiv.). Comment s'était opérée cette diffusion? Ici les avis diffèrent et deux écoles les représentent l'une, celle de Gaston Paris et de presque tous les romanistes et celtistes français et anglais; l'autre à la tête de laquelle se sont trouvés, quoique pas en communauté complète d'idées, Zimmer et W. Foerster, suivis par une partie des romanistes et celtistes allemands. D'après la première école, à laquelle nous nous rallions, la « matière de Bretagne » est d'origine insulaire; suivant la seconde, le nom de Bretagne désignerait l'Armorique.
Jusqu'à la fin du XIe siècle les relations entre les Bretons d'Armorique et la Gauleromanisée et francisée avaient été à peu près nulles, au moins pacifiquement. Au contraire, l'établissement des Normands en Angleterre (1066, amena - nous résumons une partie des arguments e Gaston Paris, J. Loth, F. Lot et Alf. Nutt. - entre le monde roman et ce qui restait du monde celtique un contact plus intime qu'il ne l'avait été jusque-là. Dans la culture des Gallois, la musique et la poésie tenaient une place considérable et, déjà à l'époque de l'heptarchie anglo-saxonne comme plus tard sous la domination danoise, les musiciens gallois franchissaient les limites de leur pays d'origine pour venir exécuter chez les Anglo-Saxons et les Norrois eux-mêmes, ces lais, qui eurent depuis un si grand charme pour le public français. Chez les nouveaux maîtres de l'Angleterre, les chanteurs et musiciens bretons trouvèrent un accueil empressé; ils ne tardèrent pas à passer la mer et de nombreux témoignages qui ne dépassent guère à la fin du XIIe siècle, nous les montrent à cette époque exécutant avec grand succès leurs lais dans toutes les grandes ou petites cours du Nord de la France. Nous n'avons pas à revenir ici sur les lais qui ont été étudiés dans un article spécial. Rappelons seulement qu'ils se rattachent étroitement au cycle breton, et que plusieurs d'entre eux ont été développés plus tard de manière à donner de vrais romans (lai du Frêne de Marie de France etGaleran, Eliduc par la même et Ille et Galeron par Gautier d'Arras; mais ces romans n'ont pas été reliés par leurs auteurs au cycle de la Table ronde). D'autres lais, consacrés à un même héros, ont été soudés ensemble pour lui composer une sorte de biographie poétique; c'est ce qui semble s'être produit pour Tristan, complètement étranger à l'origine au cycle d'Arthur. Si la musique jouait le rôle principal dans l'exécution des lais bretons, les paroles avaient leur importance; il fallut les traduire; on les mit en vers français et ils devinrent sous cette forme de petits poèmes narratifs auxquels la communauté d'origine conserva un caractère commun dans leur genre nouveau.
Ce ne fut pas seulement par les lais que les traditions ou les fictions celtiques pénétrèrent dans la société polie d'Angleterre et de France et y suscitèrent une poésie nouvelle. Gaston Paris (Histoire littéraire de la France, t. XXX, pp. 9 à 12), a réuni un grand nombre de témoignages montrant les conteurs de la fin du XIe et du commencement du XIIe siècle brodant à qui mieux mieux sur le fond des aventures de la Table ronde dans lesquelles le caractère historique ou simplement légendaire au point de vue gallois d'Arthur s'efface de plus en plus. Le nom d'un de ces conteurs, un Gallois nommé Bléri ou Bréri, nous a même été conservé (Romania, VIII, 425, et Tristan, t. II, p. 40, édit. Francisque-Michel). D'Angleterre, la matière de Bretagne passa en France soit directement par les chanteurs et conteurs bretons, soit par l'intermédiaire des conteurs anglo-normands, soit déjà mise en vers dans les lais et poèmes anglo-normands.
Le cycle de la Table ronde est une vaste ensemble de textes médiévaux qui s'articulent autour des romans d'Arthur, du Graal, de Merlin et de Lancelot. On parle aussi de cycle arthurien, de cycle breton, de cycle armoricainou encore de cycle du Graal. Le nom de Table ronde provient de ce que les chevaliers réunis autour d'Arthur s'assemblaient autour d'une table qui avait cette forme, pour signifier qu'il n'y avait pas de préséance entre eux. Le titre de cycle breton ou armoricain, « matière de Bretagne » disait-on au Moyen âge, rappelle l'origine de la légende née dans la Grande-Bretagne (plus exactement chez lesGallois) ou dans l'Armorique (on verra plus loin que la localisation précise de cette origine a donné lieu à deux opinions différentes). Enfin on dit cycle arthurien parce qu'Arthur est le centre autour duquel se déroulent les événements des divers récits, bien qu'il n'y joue en général par lui-même qu'un rôle peu important.Vers la fin du Ve siècle, Arthur, chef d'un clan des Bretons (Kymri ou Wala, d'où Waleis, Gallois) refoulés par la conquête saxonne dans le Sud-Ouest de la Grande-Bretagne (pays de Galles), s'était acquis une grande renommée dans la lutte contre les envahisseurs qu'il avait vaincus plusieurs fois, entre autres sur le mont Badon près de Bath, Il devint bientôt le héros principal de chants populaires épiques dont l'existence est attestée, bien qu'il n'en soit resté aucun monument authentique. Les principaux éléments de sa légende furent réunis au IXe siècle dans la chronique latine, Historia Britonum, attribuée à Nennius; au XIIe siècle, Gaufrei de Monmouthinséra dans son Historia Regum Britanniae quelques-uns des contes gallois sur Arthur et contribua ainsi à leur diffusion dans le monde des clercs. Par le temps, les premiers récits sur le glorieux adversaire des Saxons s'étaient d'ailleurs transformés en élargissant singulièrement le cadre de ses exploits. Vainqueur des Saxons, non seulement il les avait chassés de l'île, mais il avait soumis les Pictes et les Calédoniens, et conquis l'Irlande; puis abordant en Scandinavie, il avait subjugué le pays et avait finalement établi sa suprématie sur la Gaule elle-même. Il allait s'emparer de Rome quand il fut rappelé en Bretagne par la trahison de son neveu Modred qui, laissé là comme régent, avait fait courir le bruit de sa mort, s'était proclamé roi et avait épousé sa femme Guanhumara (Guenièvre). Grièvement blessé dans un combat livré contre les rebelles, Arthur avait été emmené sur une barque enchantée dans l'île d'Avalon, pays fortuné où les héros morts jouissent d'un bonheur constant en compagnie des fées et d'où plusieurs sont revenus vivants. Arthur devait lui aussi reparaître quelque jour et rendre aux Bretons l'empire qu'ils avaient perdu. Ces légendes se propagèrent en Armorique par les Bretons qui s'y étaient réfugiés pour conserver leur indépendance.
Ce n'est cependant pas par l'Historia Regum Britanniae, ni par la Prophetia Merlin, ni par la Vita Merlini du même Gaufrei qui, dans ces deux dernières oeuvres, associait Merlin à Arthur, que les contes relatifs à ce dernier pénétrèrent dans la société du Moyen âge, perdant d'ailleurs de plus en plus de leur caractère primitif au fur et à mesure qu'ils s'étendaient davantage. Gaufrei ne parle pas de la table ronde; la première mention nous en est donnée par Wace dans les vers suivants de son
Roman de Brut :
Por les nobles barons qu'il ot (eût)
Dont essence mieldre (meilleur) estre quidot (croyait)...
Fist Artus la roonde table
Dont Breton dient mainte fable
Hoc (là) seieent (s'asseyaient) li vassal (guerriers)
Tuit (tous) chevalment (en chevaliers) et tuit ingal (égaux)
(Brut, V. 9994-10001, édit. Leroux de Lincy).D'après le Lancelot en prose, Arthur avait reçu la Table ronde de Léodegan, roi du pays de Carmélide, comme dot de Guenièvre. Robert de Boron dit, de son côté, que Merlin l'avait établie pour Uter Pendragon à Carduel en Galles, où Arthur s'installa plus tard. Dans cette tradition plus primitive que celle du Lancelot, la Table a 50 sièges dont un vide réservé au chevalier qui conquerra le Graal; dans Lancelot elle a tantôt 150, tantôt 100 places.Avant Wace, en 1137, le troubadour Marcabrun dit de lui-même qu'il est « perdu comme Arthur » (Paul Meyer, Marcabrun, dans la Romania, VI, 123). Dès les premières années même du XIIe siècle on trouve en Italie dans des chartes des noms comme Artusius et Walwanus (Gauvain), qui attestent l'étonnante rapidité de la diffusion des contes arthuriens (Pio Rajna, Contributi a la Storia dell'epopea, dans la Romania, XVII, 355 et suiv.). Comment s'était opérée cette diffusion? Ici les avis diffèrent et deux écoles les représentent l'une, celle de Gaston Paris et de presque tous les romanistes et celtistes français et anglais; l'autre à la tête de laquelle se sont trouvés, quoique pas en communauté complète d'idées, Zimmer et W. Foerster, suivis par une partie des romanistes et celtistes allemands. D'après la première école, à laquelle nous nous rallions, la « matière de Bretagne » est d'origine insulaire; suivant la seconde, le nom de Bretagne désignerait l'Armorique.
Jusqu'à la fin du XIe siècle les relations entre les Bretons d'Armorique et la Gauleromanisée et francisée avaient été à peu près nulles, au moins pacifiquement. Au contraire, l'établissement des Normands en Angleterre (1066, amena - nous résumons une partie des arguments e Gaston Paris, J. Loth, F. Lot et Alf. Nutt. - entre le monde roman et ce qui restait du monde celtique un contact plus intime qu'il ne l'avait été jusque-là. Dans la culture des Gallois, la musique et la poésie tenaient une place considérable et, déjà à l'époque de l'heptarchie anglo-saxonne comme plus tard sous la domination danoise, les musiciens gallois franchissaient les limites de leur pays d'origine pour venir exécuter chez les Anglo-Saxons et les Norrois eux-mêmes, ces lais, qui eurent depuis un si grand charme pour le public français. Chez les nouveaux maîtres de l'Angleterre, les chanteurs et musiciens bretons trouvèrent un accueil empressé; ils ne tardèrent pas à passer la mer et de nombreux témoignages qui ne dépassent guère à la fin du XIIe siècle, nous les montrent à cette époque exécutant avec grand succès leurs lais dans toutes les grandes ou petites cours du Nord de la France. Nous n'avons pas à revenir ici sur les lais qui ont été étudiés dans un article spécial. Rappelons seulement qu'ils se rattachent étroitement au cycle breton, et que plusieurs d'entre eux ont été développés plus tard de manière à donner de vrais romans (lai du Frêne de Marie de France etGaleran, Eliduc par la même et Ille et Galeron par Gautier d'Arras; mais ces romans n'ont pas été reliés par leurs auteurs au cycle de la Table ronde). D'autres lais, consacrés à un même héros, ont été soudés ensemble pour lui composer une sorte de biographie poétique; c'est ce qui semble s'être produit pour Tristan, complètement étranger à l'origine au cycle d'Arthur. Si la musique jouait le rôle principal dans l'exécution des lais bretons, les paroles avaient leur importance; il fallut les traduire; on les mit en vers français et ils devinrent sous cette forme de petits poèmes narratifs auxquels la communauté d'origine conserva un caractère commun dans leur genre nouveau.
Ce ne fut pas seulement par les lais que les traditions ou les fictions celtiques pénétrèrent dans la société polie d'Angleterre et de France et y suscitèrent une poésie nouvelle. Gaston Paris (Histoire littéraire de la France, t. XXX, pp. 9 à 12), a réuni un grand nombre de témoignages montrant les conteurs de la fin du XIe et du commencement du XIIe siècle brodant à qui mieux mieux sur le fond des aventures de la Table ronde dans lesquelles le caractère historique ou simplement légendaire au point de vue gallois d'Arthur s'efface de plus en plus. Le nom d'un de ces conteurs, un Gallois nommé Bléri ou Bréri, nous a même été conservé (Romania, VIII, 425, et Tristan, t. II, p. 40, édit. Francisque-Michel). D'Angleterre, la matière de Bretagne passa en France soit directement par les chanteurs et conteurs bretons, soit par l'intermédiaire des conteurs anglo-normands, soit déjà mise en vers dans les lais et poèmes anglo-normands.
TRISTAN et YSEULT
Tristan rencontre son oncle Marc’h à la mort de ses parents. Marc’h cherchant à se marier, le jeune homme propose de conquérir Iseult, la fille du roi d’Irlande. Il se rend en Irlande et sollicite alors du roi d’Irlande la main d’Iseult pour le roi Marc’h. Le père accepte, afin de renforcer les liens entre l’île et la péninsule, bien que la fille se montre dépitée pourtant, elle obéit et s’embarque.
Sur le bateau qui vogue vers la Cornouaille, les deux jeunes gens boivent, par erreur, le philtre d’amour destiné au roi Marc’h. La magie opère, le couple s’aime passionnément. Toutefois, Iseult épouse le roi, À quelque temps de là, Marc’h découvre les amants endormis, n’ayant entre eux que l’épée de Tristan ; maître de lui, il remplace l’arme par la sienne et s’éloigne sans bruit. Au réveil, aussi embarrassés d’être découverts que touchés par l’indulgence du roi, ils décident de se séparer. Le garçon repart vers la Bretagne, le pays de son père ; il y prend sans joie une épouse, sans jamais oublier Iseult qu’il rencontre parfois, traversant en secret la Manche.
Grièvement blessé dans une bataille, il fait chercher Iseult, dont il connaît les remèdes miraculeux, et recommande aux marins d’arborer une voile blanche au retour, si la jeune femme est à bord. Sitôt avertie du risque mortel, Iseult prend la mer vers la Bretagne ; on hisse donc la voile blanche. Las, lorsque le bateau paraît en vue de la côte, l’épouse de Tristan, jalouse, lui annonce une voile noire. Se sachant désormais perdu, le blessé réunit ses dernières forces et se transperce de l’épée ; apprenant son décès à peine débarquée, la reine s’étiole et meurt de désespoir.
Le roi Marc’h, dès qu’il connut la terrible nouvelle, fit voile vers la Bretagne, ramena leurs deux corps en Cornouaille. On les plaça dans deux tombeaux proches. Dès la première nuit, une ronce vigoureuse surgit, perçant les cercueils, unissant les deux corps ; sans cesse coupée, elle repoussait plus forte. Ému, le roi ordonna que soit protégé ce lien surnaturel
Chargé de trouver la jeune fille promise au roi Marc, Tristan obtient pour son oncle la main d’Iseult, fille de la reine d’Irlande. Mais sur le bateau qui les ramène en Cornouaille, Tristan et Iseult boivent par erreur le philtre d’amour destiné aux futurs époux…
Corpus du roman établi par l’historien médiéviste Joseph Bédier (1864-1938).
> Écouter un extrait : Les enfances de Tristan.
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01 Les enfances de Tristan.mp3 (Clic-droit, « Enregistrer sous… »)
02 Le Morhalt d’Irlande.mp3
03 La quête de la Belle aux cheveux d’or.mp3
04 Le philtre.mp3
05 Brangien livrée au serfs.mp3
06 Le grand pin.mp3
07 Le nain Frocin.mp3
08 Le saut de la chapelle.mp3
09 La forêt du Morois.mp3
10 L’ermite Ogrin.mp3
11 Le gué aventureux.mp3
12 Le jugement par le fer rouge.mp3
13 La voix du rossignol.mp3
14 Le grelot merveilleux.mp3
15 Iseult aux blanches mains.mp3
16 Kaherdin.mp3
17 Dinas de Lidan.mp3
18 Tristan fou.mp3
19 La mort.mp3
Ce n'est cependant pas par l'Historia Regum Britanniae, ni par la Prophetia Merlin, ni par la Vita Merlini du même Gaufrei qui, dans ces deux dernières oeuvres, associait Merlin à Arthur, que les contes relatifs à ce dernier pénétrèrent dans la société du Moyen âge, perdant d'ailleurs de plus en plus de leur caractère primitif au fur et à mesure qu'ils s'étendaient davantage. Gaufrei ne parle pas de la table ronde; la première mention nous en est donnée par Wace dans les vers suivants de son
Roman de Brut :
Por les nobles barons qu'il ot (eût)
Dont essence mieldre (meilleur) estre quidot (croyait)...
Fist Artus la roonde table
Dont Breton dient mainte fable
Hoc (là) seieent (s'asseyaient) li vassal (guerriers)
Tuit (tous) chevalment (en chevaliers) et tuit ingal (égaux)
(Brut, V. 9994-10001, édit. Leroux de Lincy).D'après le Lancelot en prose, Arthur avait reçu la Table ronde de Léodegan, roi du pays de Carmélide, comme dot de Guenièvre. Robert de Boron dit, de son côté, que Merlin l'avait établie pour Uter Pendragon à Carduel en Galles, où Arthur s'installa plus tard. Dans cette tradition plus primitive que celle du Lancelot, la Table a 50 sièges dont un vide réservé au chevalier qui conquerra le Graal; dans Lancelot elle a tantôt 150, tantôt 100 places.Avant Wace, en 1137, le troubadour Marcabrun dit de lui-même qu'il est « perdu comme Arthur » (Paul Meyer, Marcabrun, dans la Romania, VI, 123). Dès les premières années même du XIIe siècle on trouve en Italie dans des chartes des noms comme Artusius et Walwanus (Gauvain), qui attestent l'étonnante rapidité de la diffusion des contes arthuriens (Pio Rajna, Contributi a la Storia dell'epopea, dans la Romania, XVII, 355 et suiv.). Comment s'était opérée cette diffusion? Ici les avis diffèrent et deux écoles les représentent l'une, celle de Gaston Paris et de presque tous les romanistes et celtistes français et anglais; l'autre à la tête de laquelle se sont trouvés, quoique pas en communauté complète d'idées, Zimmer et W. Foerster, suivis par une partie des romanistes et celtistes allemands. D'après la première école, à laquelle nous nous rallions, la « matière de Bretagne » est d'origine insulaire; suivant la seconde, le nom de Bretagne désignerait l'Armorique.
Jusqu'à la fin du XIe siècle les relations entre les Bretons d'Armorique et la Gauleromanisée et francisée avaient été à peu près nulles, au moins pacifiquement. Au contraire, l'établissement des Normands en Angleterre (1066, amena - nous résumons une partie des arguments e Gaston Paris, J. Loth, F. Lot et Alf. Nutt. - entre le monde roman et ce qui restait du monde celtique un contact plus intime qu'il ne l'avait été jusque-là. Dans la culture des Gallois, la musique et la poésie tenaient une place considérable et, déjà à l'époque de l'heptarchie anglo-saxonne comme plus tard sous la domination danoise, les musiciens gallois franchissaient les limites de leur pays d'origine pour venir exécuter chez les Anglo-Saxons et les Norrois eux-mêmes, ces lais, qui eurent depuis un si grand charme pour le public français. Chez les nouveaux maîtres de l'Angleterre, les chanteurs et musiciens bretons trouvèrent un accueil empressé; ils ne tardèrent pas à passer la mer et de nombreux témoignages qui ne dépassent guère à la fin du XIIe siècle, nous les montrent à cette époque exécutant avec grand succès leurs lais dans toutes les grandes ou petites cours du Nord de la France. Nous n'avons pas à revenir ici sur les lais qui ont été étudiés dans un article spécial. Rappelons seulement qu'ils se rattachent étroitement au cycle breton, et que plusieurs d'entre eux ont été développés plus tard de manière à donner de vrais romans (lai du Frêne de Marie de France etGaleran, Eliduc par la même et Ille et Galeron par Gautier d'Arras; mais ces romans n'ont pas été reliés par leurs auteurs au cycle de la Table ronde). D'autres lais, consacrés à un même héros, ont été soudés ensemble pour lui composer une sorte de biographie poétique; c'est ce qui semble s'être produit pour Tristan, complètement étranger à l'origine au cycle d'Arthur. Si la musique jouait le rôle principal dans l'exécution des lais bretons, les paroles avaient leur importance; il fallut les traduire; on les mit en vers français et ils devinrent sous cette forme de petits poèmes narratifs auxquels la communauté d'origine conserva un caractère commun dans leur genre nouveau.
Ce ne fut pas seulement par les lais que les traditions ou les fictions celtiques pénétrèrent dans la société polie d'Angleterre et de France et y suscitèrent une poésie nouvelle. Gaston Paris (Histoire littéraire de la France, t. XXX, pp. 9 à 12), a réuni un grand nombre de témoignages montrant les conteurs de la fin du XIe et du commencement du XIIe siècle brodant à qui mieux mieux sur le fond des aventures de la Table ronde dans lesquelles le caractère historique ou simplement légendaire au point de vue gallois d'Arthur s'efface de plus en plus. Le nom d'un de ces conteurs, un Gallois nommé Bléri ou Bréri, nous a même été conservé (Romania, VIII, 425, et Tristan, t. II, p. 40, édit. Francisque-Michel). D'Angleterre, la matière de Bretagne passa en France soit directement par les chanteurs et conteurs bretons, soit par l'intermédiaire des conteurs anglo-normands, soit déjà mise en vers dans les lais et poèmes anglo-normands.
Le cycle de la Table ronde est une vaste ensemble de textes médiévaux qui s'articulent autour des romans d'Arthur, du Graal, de Merlin et de Lancelot. On parle aussi de cycle arthurien, de cycle breton, de cycle armoricainou encore de cycle du Graal. Le nom de Table ronde provient de ce que les chevaliers réunis autour d'Arthur s'assemblaient autour d'une table qui avait cette forme, pour signifier qu'il n'y avait pas de préséance entre eux. Le titre de cycle breton ou armoricain, « matière de Bretagne » disait-on au Moyen âge, rappelle l'origine de la légende née dans la Grande-Bretagne (plus exactement chez lesGallois) ou dans l'Armorique (on verra plus loin que la localisation précise de cette origine a donné lieu à deux opinions différentes). Enfin on dit cycle arthurien parce qu'Arthur est le centre autour duquel se déroulent les événements des divers récits, bien qu'il n'y joue en général par lui-même qu'un rôle peu important.Vers la fin du Ve siècle, Arthur, chef d'un clan des Bretons (Kymri ou Wala, d'où Waleis, Gallois) refoulés par la conquête saxonne dans le Sud-Ouest de la Grande-Bretagne (pays de Galles), s'était acquis une grande renommée dans la lutte contre les envahisseurs qu'il avait vaincus plusieurs fois, entre autres sur le mont Badon près de Bath, Il devint bientôt le héros principal de chants populaires épiques dont l'existence est attestée, bien qu'il n'en soit resté aucun monument authentique. Les principaux éléments de sa légende furent réunis au IXe siècle dans la chronique latine, Historia Britonum, attribuée à Nennius; au XIIe siècle, Gaufrei de Monmouthinséra dans son Historia Regum Britanniae quelques-uns des contes gallois sur Arthur et contribua ainsi à leur diffusion dans le monde des clercs. Par le temps, les premiers récits sur le glorieux adversaire des Saxons s'étaient d'ailleurs transformés en élargissant singulièrement le cadre de ses exploits. Vainqueur des Saxons, non seulement il les avait chassés de l'île, mais il avait soumis les Pictes et les Calédoniens, et conquis l'Irlande; puis abordant en Scandinavie, il avait subjugué le pays et avait finalement établi sa suprématie sur la Gaule elle-même. Il allait s'emparer de Rome quand il fut rappelé en Bretagne par la trahison de son neveu Modred qui, laissé là comme régent, avait fait courir le bruit de sa mort, s'était proclamé roi et avait épousé sa femme Guanhumara (Guenièvre). Grièvement blessé dans un combat livré contre les rebelles, Arthur avait été emmené sur une barque enchantée dans l'île d'Avalon, pays fortuné où les héros morts jouissent d'un bonheur constant en compagnie des fées et d'où plusieurs sont revenus vivants. Arthur devait lui aussi reparaître quelque jour et rendre aux Bretons l'empire qu'ils avaient perdu. Ces légendes se propagèrent en Armorique par les Bretons qui s'y étaient réfugiés pour conserver leur indépendance.
Ce n'est cependant pas par l'Historia Regum Britanniae, ni par la Prophetia Merlin, ni par la Vita Merlini du même Gaufrei qui, dans ces deux dernières oeuvres, associait Merlin à Arthur, que les contes relatifs à ce dernier pénétrèrent dans la société du Moyen âge, perdant d'ailleurs de plus en plus de leur caractère primitif au fur et à mesure qu'ils s'étendaient davantage. Gaufrei ne parle pas de la table ronde; la première mention nous en est donnée par Wace dans les vers suivants de son
Roman de Brut :
Por les nobles barons qu'il ot (eût)
Dont essence mieldre (meilleur) estre quidot (croyait)...
Fist Artus la roonde table
Dont Breton dient mainte fable
Hoc (là) seieent (s'asseyaient) li vassal (guerriers)
Tuit (tous) chevalment (en chevaliers) et tuit ingal (égaux)
(Brut, V. 9994-10001, édit. Leroux de Lincy).D'après le Lancelot en prose, Arthur avait reçu la Table ronde de Léodegan, roi du pays de Carmélide, comme dot de Guenièvre. Robert de Boron dit, de son côté, que Merlin l'avait établie pour Uter Pendragon à Carduel en Galles, où Arthur s'installa plus tard. Dans cette tradition plus primitive que celle du Lancelot, la Table a 50 sièges dont un vide réservé au chevalier qui conquerra le Graal; dans Lancelot elle a tantôt 150, tantôt 100 places.Avant Wace, en 1137, le troubadour Marcabrun dit de lui-même qu'il est « perdu comme Arthur » (Paul Meyer, Marcabrun, dans la Romania, VI, 123). Dès les premières années même du XIIe siècle on trouve en Italie dans des chartes des noms comme Artusius et Walwanus (Gauvain), qui attestent l'étonnante rapidité de la diffusion des contes arthuriens (Pio Rajna, Contributi a la Storia dell'epopea, dans la Romania, XVII, 355 et suiv.). Comment s'était opérée cette diffusion? Ici les avis diffèrent et deux écoles les représentent l'une, celle de Gaston Paris et de presque tous les romanistes et celtistes français et anglais; l'autre à la tête de laquelle se sont trouvés, quoique pas en communauté complète d'idées, Zimmer et W. Foerster, suivis par une partie des romanistes et celtistes allemands. D'après la première école, à laquelle nous nous rallions, la « matière de Bretagne » est d'origine insulaire; suivant la seconde, le nom de Bretagne désignerait l'Armorique.
Jusqu'à la fin du XIe siècle les relations entre les Bretons d'Armorique et la Gauleromanisée et francisée avaient été à peu près nulles, au moins pacifiquement. Au contraire, l'établissement des Normands en Angleterre (1066, amena - nous résumons une partie des arguments e Gaston Paris, J. Loth, F. Lot et Alf. Nutt. - entre le monde roman et ce qui restait du monde celtique un contact plus intime qu'il ne l'avait été jusque-là. Dans la culture des Gallois, la musique et la poésie tenaient une place considérable et, déjà à l'époque de l'heptarchie anglo-saxonne comme plus tard sous la domination danoise, les musiciens gallois franchissaient les limites de leur pays d'origine pour venir exécuter chez les Anglo-Saxons et les Norrois eux-mêmes, ces lais, qui eurent depuis un si grand charme pour le public français. Chez les nouveaux maîtres de l'Angleterre, les chanteurs et musiciens bretons trouvèrent un accueil empressé; ils ne tardèrent pas à passer la mer et de nombreux témoignages qui ne dépassent guère à la fin du XIIe siècle, nous les montrent à cette époque exécutant avec grand succès leurs lais dans toutes les grandes ou petites cours du Nord de la France. Nous n'avons pas à revenir ici sur les lais qui ont été étudiés dans un article spécial. Rappelons seulement qu'ils se rattachent étroitement au cycle breton, et que plusieurs d'entre eux ont été développés plus tard de manière à donner de vrais romans (lai du Frêne de Marie de France etGaleran, Eliduc par la même et Ille et Galeron par Gautier d'Arras; mais ces romans n'ont pas été reliés par leurs auteurs au cycle de la Table ronde). D'autres lais, consacrés à un même héros, ont été soudés ensemble pour lui composer une sorte de biographie poétique; c'est ce qui semble s'être produit pour Tristan, complètement étranger à l'origine au cycle d'Arthur. Si la musique jouait le rôle principal dans l'exécution des lais bretons, les paroles avaient leur importance; il fallut les traduire; on les mit en vers français et ils devinrent sous cette forme de petits poèmes narratifs auxquels la communauté d'origine conserva un caractère commun dans leur genre nouveau.
Ce ne fut pas seulement par les lais que les traditions ou les fictions celtiques pénétrèrent dans la société polie d'Angleterre et de France et y suscitèrent une poésie nouvelle. Gaston Paris (Histoire littéraire de la France, t. XXX, pp. 9 à 12), a réuni un grand nombre de témoignages montrant les conteurs de la fin du XIe et du commencement du XIIe siècle brodant à qui mieux mieux sur le fond des aventures de la Table ronde dans lesquelles le caractère historique ou simplement légendaire au point de vue gallois d'Arthur s'efface de plus en plus. Le nom d'un de ces conteurs, un Gallois nommé Bléri ou Bréri, nous a même été conservé (Romania, VIII, 425, et Tristan, t. II, p. 40, édit. Francisque-Michel). D'Angleterre, la matière de Bretagne passa en France soit directement par les chanteurs et conteurs bretons, soit par l'intermédiaire des conteurs anglo-normands, soit déjà mise en vers dans les lais et poèmes anglo-normands.
TRISTAN et YSEULT
Tristan rencontre son oncle Marc’h à la mort de ses parents. Marc’h cherchant à se marier, le jeune homme propose de conquérir Iseult, la fille du roi d’Irlande. Il se rend en Irlande et sollicite alors du roi d’Irlande la main d’Iseult pour le roi Marc’h. Le père accepte, afin de renforcer les liens entre l’île et la péninsule, bien que la fille se montre dépitée pourtant, elle obéit et s’embarque.
Sur le bateau qui vogue vers la Cornouaille, les deux jeunes gens boivent, par erreur, le philtre d’amour destiné au roi Marc’h. La magie opère, le couple s’aime passionnément. Toutefois, Iseult épouse le roi, À quelque temps de là, Marc’h découvre les amants endormis, n’ayant entre eux que l’épée de Tristan ; maître de lui, il remplace l’arme par la sienne et s’éloigne sans bruit. Au réveil, aussi embarrassés d’être découverts que touchés par l’indulgence du roi, ils décident de se séparer. Le garçon repart vers la Bretagne, le pays de son père ; il y prend sans joie une épouse, sans jamais oublier Iseult qu’il rencontre parfois, traversant en secret la Manche.
Grièvement blessé dans une bataille, il fait chercher Iseult, dont il connaît les remèdes miraculeux, et recommande aux marins d’arborer une voile blanche au retour, si la jeune femme est à bord. Sitôt avertie du risque mortel, Iseult prend la mer vers la Bretagne ; on hisse donc la voile blanche. Las, lorsque le bateau paraît en vue de la côte, l’épouse de Tristan, jalouse, lui annonce une voile noire. Se sachant désormais perdu, le blessé réunit ses dernières forces et se transperce de l’épée ; apprenant son décès à peine débarquée, la reine s’étiole et meurt de désespoir.
Le roi Marc’h, dès qu’il connut la terrible nouvelle, fit voile vers la Bretagne, ramena leurs deux corps en Cornouaille. On les plaça dans deux tombeaux proches. Dès la première nuit, une ronce vigoureuse surgit, perçant les cercueils, unissant les deux corps ; sans cesse coupée, elle repoussait plus forte. Ému, le roi ordonna que soit protégé ce lien surnaturel
Chargé de trouver la jeune fille promise au roi Marc, Tristan obtient pour son oncle la main d’Iseult, fille de la reine d’Irlande. Mais sur le bateau qui les ramène en Cornouaille, Tristan et Iseult boivent par erreur le philtre d’amour destiné aux futurs époux…
Corpus du roman établi par l’historien médiéviste Joseph Bédier (1864-1938).
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01 Les enfances de Tristan.mp3 (Clic-droit, « Enregistrer sous… »)
02 Le Morhalt d’Irlande.mp3
03 La quête de la Belle aux cheveux d’or.mp3
04 Le philtre.mp3
05 Brangien livrée au serfs.mp3
06 Le grand pin.mp3
07 Le nain Frocin.mp3
08 Le saut de la chapelle.mp3
09 La forêt du Morois.mp3
10 L’ermite Ogrin.mp3
11 Le gué aventureux.mp3
12 Le jugement par le fer rouge.mp3
13 La voix du rossignol.mp3
14 Le grelot merveilleux.mp3
15 Iseult aux blanches mains.mp3
16 Kaherdin.mp3
17 Dinas de Lidan.mp3
18 Tristan fou.mp3
19 La mort.mp3
L’ŒUVRE DE RABELAIS
PROLOGUE DE GARGANTUA : L’ADRESSE AU LECTEUR
LA LETTRE DE GARGANTUA À PANTAGRUEL
dictée: Rabelais gargantua
PROLOGUE DE GARGANTUA : L’ADRESSE AU LECTEUR
LA LETTRE DE GARGANTUA À PANTAGRUEL
dictée: Rabelais gargantua
RABELAIS
Analyse de l'extrait: l'abbaye de thélème
I.Thélème, une abbaye inversée
1.Négation du vœu de chasteté
Dès le début du texte, hommes et femmes sont réunis par l'utilisation du pronom « ils » (l.2): la mixité est donc de mise dans cette abbaye.
Même si les relations entre hommes et femmes sont faites de « dévotion et amitié », il est également question de relations galantes comme le laisse supposer les insistances sur l'aspect physique des habitants de Thélème: « chevaliers si preux, si galants, si habiles, (…)plus verts, mieux remuant » (l,21-22), « des dames si élégantes, si mignonnes » (l,23),. On note l'accumulation d'adjectifs qualificatifs valorisants ainsi que la présence de l'intensif « si ». De même, l'adverbe « mignonnement » dans l'expression de la ligne 17: « sur leur poing mignonnement ganté » met en relief le jeu de séduction entre hommes et femmes.
D'autre part, cette abbaye si particulière a ,entre autres, pour vocation de préparer à une vie de couple harmonieuse, le « mariage » (l.28) en étant un des aboutissement possible; l'amour mutuel est alors aussi fort à la fin de leurs jours qu'aux premiers temps de leurs noces (l.28-29).
La négation du vœu de chasteté est donc affichée clairement.
2.Négation du vœu de pauvreté
La règle monastique prône l'ascèse, le jeûne, la restriction; il s'agit de se détacher du superflu et des richesses terrestres pour atteindre la purification de l'âme, se rapprocher de Dieu.
A Thélème, il en va tout autrement puisque les plaisirs terrestres sont au cœur de l'organisation du lieu. Dès la ligne 2, on note la présence de l'imparfait d'habitude associé à la nourriture: « buvaient, mangeaient », verbes répétés à l'infinitif à la ligne suivante, ce qui suggère la place centrale occupée par ces activités.
D'autre part, les idées de richesse et de profusion sont manifestes à travers les nombreux équipements liés aux distractions possibles à Thélème. On relève l’ adjectif mélioratif « belles » et l’adverbe « richement » dans les expressions « belles haquenées » et « palefroi richement harnaché» (l.16), l'accumulation de la ligne 17 qui met en avant la diversité et la quantité des oiseaux de proie: « un épervier, ou un laneret, ou un émérillon »... les autres oiseaux. »; il est également question de « toutes les armes » (l.22).
L’abbaye de Thélème n’est ainsi pas habitée par des religieux mais par une élite sociale de civils. Les personnes rassemblées dans l'abbaye de Thélème sont des aristocrates, au sens premier du terme, à savoir les « meilleurs » d'une nation.
Il s'agit tout d'abord d'une position de supériorité sociale comme le montrent les titres des membres de cette abbaye : « chevalier » et « dame » ainsi que les activités auxquelles ils se livrent : chasse à cour, chasse au vol. Importance de la naissance également mise en relief : « bien nés » qui sous-entend une noblesse initiale.
Ces éléments descriptifs dressent donc un tableau de profusion et de luxe totalement à l'encontre de l'ascèse monastique.
3.Négation du vœu d’obéissance
La vie monastique nécessite de se plier aux règles de vie collective, or, à Thélème, on note un rejet franc et systématique de tout ce qui est relatif à l'expression de la règle. La contrainte imposée par autrui est en effet rejetée, quelle que soit sa forme: le lexique de la règle est abondant mais systématiquement encadré de structures négatives dont on remarque l’insistance: « non par les lois, statuts ou règles » (l.1); « nul ne les éveillait, nul ne les forçait ni à boire, ni à manger, ni à faire quoi que ce soit... » (l.1-3)… La contrainte n'est pas seulement rejetée, elle est même méprisée: il est question de « vile sujétion » et du « joug de la servitude », autant d'expressions péjoratives.
En totale opposition aux règles de la vie monastique de son époque, Rabelais dessine un lieu dans lequel l'expression de la volonté individuelle est reine.
II Thélème, un lieu utopique d'inspiration humaniste
1)Un lieu de liberté et d'expression de la volonté individuelle
-rappel étymologie grecque : thelema = « libre-arbitre » et c'est bien ce qu'édicte l'unique clause de l'abbaye : « Fais ce que tu voudras »
-les membres de l'abbaye ne subissent aucune obligation
cf première phrase du chapitre qui signale l'écart entre les abbayes traditionnelles (« non selon des lois, des statuts ou des règles » + conjonction de coordination « mais » et celle de Thélème (« selon leur bon vouloir et leur libre arbitre »)
L'auteur présente d'emblée sa volonté de faire de l'abbaye un lieu de liberté. Cet aspect est renforcé avec la devise du lieu: « Fais ce que voudras» (l.6).
Chaque activité a lieu selon le bon vouloir de chacun comme l'indique les deux propositions subordonnées de temps des lignes 2 et 3 : « quand bon leur semblait », « quand le désir leur en venait », liberté renforcée par le parallélisme.
Il s'agit bien là d'un aspect essentiel des préoccupations humanistes: développer l'esprit critique de chacun, croire en l'homme en lui laissant son libre-arbitre.
2)Un lieu d’harmonie
La liberté ne signifie pas que tout est permis et n'est pas un encouragement à la débauche. Le libre-arbitre est soumis à l'honneur, mot relatif au monde médiéval et qui régit le code moral de l'aristocratie (cf aussi adjectif « noble » antéposé à «inclination »). Or, cet « honneur » n'est pas décrit ici comme un élément culturel mais bien comme une faculté innée (cf « par nature » « un instinct » « aiguillon » « inclination ») qui permet aux personnes de bonnes éducation et naissance de rejeter le vice et de se tourner vers la « vertu ». Ainsi, -le refus des interdits n'est pas le signe d'une dérive liberticide. Au contraire, l'interdit, la sujétion (cad la hiérarchie, les rapports de force dominants-dominés) encouragent la transgression : « vers le rejet et la violation du joug de servitude ». L'imposition de règles et de rapport hiérarchique est donc un obstacle à la paix et va plutôt favoriser la révolte.
A Thélème, si la volonté individuelle est centrale, il est question (paradoxalement) d'harmonie collective. Quand on évoque les habitants, les pronoms sont collectifs: « tous », « ils », « nous » ou indéfinis: « l'un ou l’une » (l.14). Il n'y a pas d'individualisation, si ce n'est pour mettre en valeur la volonté d'harmonie collective: « « faire tout ce qu'ils voyaient plaire à un seul » (l.13-14). Cet aspect est encore renforcé par les anaphores des l.14 à 15: « s’il disait... ».
Il y a même un rapport d’égalité entre les hommes et les femmes : , les deux sexes sont sur un pied d'égalité : la distribution des formes syntaxiques en témoigne « l'un/ l'une », « les dames /les hommes », « chevaliers/dames ». Les activités sont effectuées ensemble et les tâches sont partagées (cf les femmes portant certains oiseaux, les hommes en portant d'autres).La phrase suivante montre que l'éducation n'est pas seulement prodiguée aux hommes : « il n'y avait parmi eux homme ni femme qui ne sût... » et que la valeur de la gent masculine est mis sur le même plan que l'honnêteté et l'agilité de la gent féminine.
3)L’épanouissement humaniste : devenir un homme complet
Conformément à l'éducation qu'a fini par recevoir Gargantua, les hommes et femmes séjournant dans l'abbaye repose sur une alliance des activités intellectuelles (lire, écrire (trivium :grammaire, dialectique, rhétorique), chanter, jouer d'instruments de musiques NB : musique qui fait partie de la formation intellectuelle à la Renaissance , un des arts du Quadrivium avec astronomie, géométrie et arithmétique) et physiques (cf courage des chevaliers mis en relief « chevaliers si vaillants, si hardis, si adroits au combat à pied ou à cheval, plus vigoureux, plus agiles, maniant mieux les armes que ceux-là » anaphore de « si » qui a fonction d'intensifier l'adjectif déjà mélioratif, de même que les comparatifs de supériorité « plus » et « mieux … que ».
La soif de connaissance prend une dimension universelle cf « parler cinq ou six langues ».
De même, le boire et le manger ne sont pas passés sous silence et font partie intégrante de cette vie en communauté
Conclusion : Pour conclure, Rabelais, en imaginant l’abbaye de Thélème où tous les principes prescrits habituellement par la vie monastique sont inversés, formule une critique de cette dernière et propose une société idéale. Loin de prôner une liberté débridée, il fait confiance au libre-arbitre et à la raison de l’homme. Bien qu’idéale, cette communauté permet à l’auteur de Gargantua de réaffirmer des principes chers à l’humanisme : placer l’homme au centre des préoccupations, développer sa culture, sa tolérance, etc.
ANALYSE n.2:
Introduction
Ce texte est l’extrait de l’œuvre Gargantua de Rabelais, publié en 1535. Rabelais se situe dans le courant humaniste qui se développe en Europe au XVème siècle, et se réfère aux textes antiques des Grecs et des Romains anciens.
Nous sommes à la fin de la guerre Picrochole-Gargantua et pour récompenser frère Jean de sa lutte contre Picrochole, il fonde une abbaye nommée " Thélème ". Elle est basée sur l’architecture du château de " Chambord ".
Ainsi dans le chapitre 57 qui constitue l’épilogue de Gargantua, il décrit un lieu merveilleux, idéal, utopiste.
Nous allons étudier ce texte en trois grandes parties :
- La population de l’abbaye
- La vie de Thélème
- Une abbaye contraire au classique
Lecture
Annonce des axes
Analyse littéraire
I - La population de l’abbaye de Thélème
Des hommes et des femmes, il y a des couples possibles à leur sortie de ce lieu.
- Origine noble, c’est une élite de la société " bien nés "
- Excellente éducation " bien construit " importance de l’éducation
- Ils possèdent des qualités sociales "conversant en compagnie honnête "
Ces qualités s’expriment dans la vie de chaque jour, le groupe suit la décision de l’individu = émulation avec les " si " -> antithèse entre tous
- Ils ont des connaissances dans divers domaines, ce sont des humanistes.
- Ils sont des activités raffinées comme par exemple :
chasse l.25 " lire, écrire, chanter, jouer d’instruments harmonieux ", " ébat aux champs ", " boire ".
Et activités communes aux hommes et aux femmes = récurrence de " portaient ".
- il y a des loisirs spécifiques : les hommes = les armes et les chevaux.
Les femmes = la couture.
- Rabelais impose sa vie sur les thélèmistes
- Ces qualités s’expriment aussi hors de l’abbaye, dernier paragraphe le chevalier devient " le dévot de sa dame ". L’homme lui démontre un total dévouement, il se consacre à elle, il lui voue sa vie.
- Les thélèmistes ont " par nature " le sens de l’honneur et de la responsabilité.
II - La vie dans Thélème
" Thélème " signifie volonté libre. La vie dans Thélème se base sur une devise : " fais ce que voudras " -> liberté totale illimitée dans le temps. " toute leur vie ".
- Cette liberté s’exprime dans la vie quotidienne :
Imparfait d’habitude au premier paragraphe
- emploie du pluriel
- emploi des formes négatives + anaphore de nul
C’est grâce à cette vertu qu’il arrive à rester dans une harmonie totale : aucun désordre (entente parfaite)
La vertu l’emporte sur le vice.
Zegma : " instinct et aiguillon "
Antithèse : " vertusement " et " vice "
Le mode de vie des Thélèmites se base sur la totale liberté des faits et des gestes de chacun, si un des leurs contrarie cette dernière alors le système s’écroule. C’est pour cela que Rabelais rappelle l’importance de l’éducation dans son fragile système.
III - Un abbaye contraire au classique
L’abbaye de " Thélème " est idéale et digne d’un conte de fée. Mais contraire a une abbaye classique.
- Elle est peuplée d’homme et de femmes
- Toutes les personnes sont égales, il n’y a pas d’obéissance.
- L’abbaye n’est pas dirigée par un supérieur, il n’y a pas d’horaires stricts et de règlement précis.
- Il n’y a pas de tenue imposée.
- Les gens peuvent sortir quand ils le veulent de l'abbaye de Thélème.
On remarque un paradoxe avec les autres monastères car l’obéissance à autrui et l’abdication de la volonté propre est le premier fondement de la société monastique.
I.Thélème, une abbaye inversée
1.Négation du vœu de chasteté
Dès le début du texte, hommes et femmes sont réunis par l'utilisation du pronom « ils » (l.2): la mixité est donc de mise dans cette abbaye.
Même si les relations entre hommes et femmes sont faites de « dévotion et amitié », il est également question de relations galantes comme le laisse supposer les insistances sur l'aspect physique des habitants de Thélème: « chevaliers si preux, si galants, si habiles, (…)plus verts, mieux remuant » (l,21-22), « des dames si élégantes, si mignonnes » (l,23),. On note l'accumulation d'adjectifs qualificatifs valorisants ainsi que la présence de l'intensif « si ». De même, l'adverbe « mignonnement » dans l'expression de la ligne 17: « sur leur poing mignonnement ganté » met en relief le jeu de séduction entre hommes et femmes.
D'autre part, cette abbaye si particulière a ,entre autres, pour vocation de préparer à une vie de couple harmonieuse, le « mariage » (l.28) en étant un des aboutissement possible; l'amour mutuel est alors aussi fort à la fin de leurs jours qu'aux premiers temps de leurs noces (l.28-29).
La négation du vœu de chasteté est donc affichée clairement.
2.Négation du vœu de pauvreté
La règle monastique prône l'ascèse, le jeûne, la restriction; il s'agit de se détacher du superflu et des richesses terrestres pour atteindre la purification de l'âme, se rapprocher de Dieu.
A Thélème, il en va tout autrement puisque les plaisirs terrestres sont au cœur de l'organisation du lieu. Dès la ligne 2, on note la présence de l'imparfait d'habitude associé à la nourriture: « buvaient, mangeaient », verbes répétés à l'infinitif à la ligne suivante, ce qui suggère la place centrale occupée par ces activités.
D'autre part, les idées de richesse et de profusion sont manifestes à travers les nombreux équipements liés aux distractions possibles à Thélème. On relève l’ adjectif mélioratif « belles » et l’adverbe « richement » dans les expressions « belles haquenées » et « palefroi richement harnaché» (l.16), l'accumulation de la ligne 17 qui met en avant la diversité et la quantité des oiseaux de proie: « un épervier, ou un laneret, ou un émérillon »... les autres oiseaux. »; il est également question de « toutes les armes » (l.22).
L’abbaye de Thélème n’est ainsi pas habitée par des religieux mais par une élite sociale de civils. Les personnes rassemblées dans l'abbaye de Thélème sont des aristocrates, au sens premier du terme, à savoir les « meilleurs » d'une nation.
Il s'agit tout d'abord d'une position de supériorité sociale comme le montrent les titres des membres de cette abbaye : « chevalier » et « dame » ainsi que les activités auxquelles ils se livrent : chasse à cour, chasse au vol. Importance de la naissance également mise en relief : « bien nés » qui sous-entend une noblesse initiale.
Ces éléments descriptifs dressent donc un tableau de profusion et de luxe totalement à l'encontre de l'ascèse monastique.
3.Négation du vœu d’obéissance
La vie monastique nécessite de se plier aux règles de vie collective, or, à Thélème, on note un rejet franc et systématique de tout ce qui est relatif à l'expression de la règle. La contrainte imposée par autrui est en effet rejetée, quelle que soit sa forme: le lexique de la règle est abondant mais systématiquement encadré de structures négatives dont on remarque l’insistance: « non par les lois, statuts ou règles » (l.1); « nul ne les éveillait, nul ne les forçait ni à boire, ni à manger, ni à faire quoi que ce soit... » (l.1-3)… La contrainte n'est pas seulement rejetée, elle est même méprisée: il est question de « vile sujétion » et du « joug de la servitude », autant d'expressions péjoratives.
En totale opposition aux règles de la vie monastique de son époque, Rabelais dessine un lieu dans lequel l'expression de la volonté individuelle est reine.
II Thélème, un lieu utopique d'inspiration humaniste
1)Un lieu de liberté et d'expression de la volonté individuelle
-rappel étymologie grecque : thelema = « libre-arbitre » et c'est bien ce qu'édicte l'unique clause de l'abbaye : « Fais ce que tu voudras »
-les membres de l'abbaye ne subissent aucune obligation
cf première phrase du chapitre qui signale l'écart entre les abbayes traditionnelles (« non selon des lois, des statuts ou des règles » + conjonction de coordination « mais » et celle de Thélème (« selon leur bon vouloir et leur libre arbitre »)
L'auteur présente d'emblée sa volonté de faire de l'abbaye un lieu de liberté. Cet aspect est renforcé avec la devise du lieu: « Fais ce que voudras» (l.6).
Chaque activité a lieu selon le bon vouloir de chacun comme l'indique les deux propositions subordonnées de temps des lignes 2 et 3 : « quand bon leur semblait », « quand le désir leur en venait », liberté renforcée par le parallélisme.
Il s'agit bien là d'un aspect essentiel des préoccupations humanistes: développer l'esprit critique de chacun, croire en l'homme en lui laissant son libre-arbitre.
2)Un lieu d’harmonie
La liberté ne signifie pas que tout est permis et n'est pas un encouragement à la débauche. Le libre-arbitre est soumis à l'honneur, mot relatif au monde médiéval et qui régit le code moral de l'aristocratie (cf aussi adjectif « noble » antéposé à «inclination »). Or, cet « honneur » n'est pas décrit ici comme un élément culturel mais bien comme une faculté innée (cf « par nature » « un instinct » « aiguillon » « inclination ») qui permet aux personnes de bonnes éducation et naissance de rejeter le vice et de se tourner vers la « vertu ». Ainsi, -le refus des interdits n'est pas le signe d'une dérive liberticide. Au contraire, l'interdit, la sujétion (cad la hiérarchie, les rapports de force dominants-dominés) encouragent la transgression : « vers le rejet et la violation du joug de servitude ». L'imposition de règles et de rapport hiérarchique est donc un obstacle à la paix et va plutôt favoriser la révolte.
A Thélème, si la volonté individuelle est centrale, il est question (paradoxalement) d'harmonie collective. Quand on évoque les habitants, les pronoms sont collectifs: « tous », « ils », « nous » ou indéfinis: « l'un ou l’une » (l.14). Il n'y a pas d'individualisation, si ce n'est pour mettre en valeur la volonté d'harmonie collective: « « faire tout ce qu'ils voyaient plaire à un seul » (l.13-14). Cet aspect est encore renforcé par les anaphores des l.14 à 15: « s’il disait... ».
Il y a même un rapport d’égalité entre les hommes et les femmes : , les deux sexes sont sur un pied d'égalité : la distribution des formes syntaxiques en témoigne « l'un/ l'une », « les dames /les hommes », « chevaliers/dames ». Les activités sont effectuées ensemble et les tâches sont partagées (cf les femmes portant certains oiseaux, les hommes en portant d'autres).La phrase suivante montre que l'éducation n'est pas seulement prodiguée aux hommes : « il n'y avait parmi eux homme ni femme qui ne sût... » et que la valeur de la gent masculine est mis sur le même plan que l'honnêteté et l'agilité de la gent féminine.
3)L’épanouissement humaniste : devenir un homme complet
Conformément à l'éducation qu'a fini par recevoir Gargantua, les hommes et femmes séjournant dans l'abbaye repose sur une alliance des activités intellectuelles (lire, écrire (trivium :grammaire, dialectique, rhétorique), chanter, jouer d'instruments de musiques NB : musique qui fait partie de la formation intellectuelle à la Renaissance , un des arts du Quadrivium avec astronomie, géométrie et arithmétique) et physiques (cf courage des chevaliers mis en relief « chevaliers si vaillants, si hardis, si adroits au combat à pied ou à cheval, plus vigoureux, plus agiles, maniant mieux les armes que ceux-là » anaphore de « si » qui a fonction d'intensifier l'adjectif déjà mélioratif, de même que les comparatifs de supériorité « plus » et « mieux … que ».
La soif de connaissance prend une dimension universelle cf « parler cinq ou six langues ».
De même, le boire et le manger ne sont pas passés sous silence et font partie intégrante de cette vie en communauté
Conclusion : Pour conclure, Rabelais, en imaginant l’abbaye de Thélème où tous les principes prescrits habituellement par la vie monastique sont inversés, formule une critique de cette dernière et propose une société idéale. Loin de prôner une liberté débridée, il fait confiance au libre-arbitre et à la raison de l’homme. Bien qu’idéale, cette communauté permet à l’auteur de Gargantua de réaffirmer des principes chers à l’humanisme : placer l’homme au centre des préoccupations, développer sa culture, sa tolérance, etc.
ANALYSE n.2:
Introduction
Ce texte est l’extrait de l’œuvre Gargantua de Rabelais, publié en 1535. Rabelais se situe dans le courant humaniste qui se développe en Europe au XVème siècle, et se réfère aux textes antiques des Grecs et des Romains anciens.
Nous sommes à la fin de la guerre Picrochole-Gargantua et pour récompenser frère Jean de sa lutte contre Picrochole, il fonde une abbaye nommée " Thélème ". Elle est basée sur l’architecture du château de " Chambord ".
Ainsi dans le chapitre 57 qui constitue l’épilogue de Gargantua, il décrit un lieu merveilleux, idéal, utopiste.
Nous allons étudier ce texte en trois grandes parties :
- La population de l’abbaye
- La vie de Thélème
- Une abbaye contraire au classique
Lecture
Annonce des axes
Analyse littéraire
I - La population de l’abbaye de Thélème
Des hommes et des femmes, il y a des couples possibles à leur sortie de ce lieu.
- Origine noble, c’est une élite de la société " bien nés "
- Excellente éducation " bien construit " importance de l’éducation
- Ils possèdent des qualités sociales "conversant en compagnie honnête "
Ces qualités s’expriment dans la vie de chaque jour, le groupe suit la décision de l’individu = émulation avec les " si " -> antithèse entre tous
- Ils ont des connaissances dans divers domaines, ce sont des humanistes.
- Ils sont des activités raffinées comme par exemple :
chasse l.25 " lire, écrire, chanter, jouer d’instruments harmonieux ", " ébat aux champs ", " boire ".
Et activités communes aux hommes et aux femmes = récurrence de " portaient ".
- il y a des loisirs spécifiques : les hommes = les armes et les chevaux.
Les femmes = la couture.
- Rabelais impose sa vie sur les thélèmistes
- Ces qualités s’expriment aussi hors de l’abbaye, dernier paragraphe le chevalier devient " le dévot de sa dame ". L’homme lui démontre un total dévouement, il se consacre à elle, il lui voue sa vie.
- Les thélèmistes ont " par nature " le sens de l’honneur et de la responsabilité.
II - La vie dans Thélème
" Thélème " signifie volonté libre. La vie dans Thélème se base sur une devise : " fais ce que voudras " -> liberté totale illimitée dans le temps. " toute leur vie ".
- Cette liberté s’exprime dans la vie quotidienne :
Imparfait d’habitude au premier paragraphe
- emploie du pluriel
- emploi des formes négatives + anaphore de nul
C’est grâce à cette vertu qu’il arrive à rester dans une harmonie totale : aucun désordre (entente parfaite)
La vertu l’emporte sur le vice.
Zegma : " instinct et aiguillon "
Antithèse : " vertusement " et " vice "
Le mode de vie des Thélèmites se base sur la totale liberté des faits et des gestes de chacun, si un des leurs contrarie cette dernière alors le système s’écroule. C’est pour cela que Rabelais rappelle l’importance de l’éducation dans son fragile système.
III - Un abbaye contraire au classique
L’abbaye de " Thélème " est idéale et digne d’un conte de fée. Mais contraire a une abbaye classique.
- Elle est peuplée d’homme et de femmes
- Toutes les personnes sont égales, il n’y a pas d’obéissance.
- L’abbaye n’est pas dirigée par un supérieur, il n’y a pas d’horaires stricts et de règlement précis.
- Il n’y a pas de tenue imposée.
- Les gens peuvent sortir quand ils le veulent de l'abbaye de Thélème.
On remarque un paradoxe avec les autres monastères car l’obéissance à autrui et l’abdication de la volonté propre est le premier fondement de la société monastique.